Pour mémoire, dans plusieurs arrêts rendus le 13 septembre 2023, la Cour de cassation avait écarté les dispositions du Code du travail qui excluent ou limitent l’acquisition des congés payés pour les salariés en arrêt maladie. La haute Cour s’était effectivement fondée sur les règles issues du droit de l’union européenne.
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Dans la suite de ces arrêts, le Conseil constitutionnel avait été saisi de deux questions Prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur les dispositions du code du travail limitant l’acquisition des congés payés durant les absences pour maladie du salarié. Dans leur décision du 8 février 2024, les Sages ont estimé que celles-ci ne portaient pas atteinte, ni au droit au repos, ni au principe d’égalité. Dès lors, les dispositions du 5º de l’article L. 3141-5 du Code du travail ont été déclarées conformes à la Constitution (Décision n° 2023-1079 QPC du 8 février 2024). Toutefois, si les dispositions sont jugées conformes à la Constitution, elles demeurent contraires au droit de l’Union européenne.
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Une intervention législative était donc attendue pour clarifier la situation et fixer un cadre.
Dans cette perspective, le gouvernement a adressé au Conseil d’État son projet d’amendement visant à assurer la mise en conformité des dispositions du Code du travail en matière d’acquisition des congés payés durant les périodes d’arrêt de travail pour maladie. Le Conseil d’Etat a donc rendu public son avis le 13 mars 2024.
Le 4 avril 2024, la commission mixte paritaire a trouvé un accord sur ce projet, lequel a ensuite été adopté définitivement par le Sénat le 9 avril et par l’Assemblée nationale le 10 avril. La loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne a été publiée au Journal Officiel du 23 avril.
Les différentes mesures portée par cette loi sont les suivantes:
1- Sur l’assimilation des périodes de suspension pour maladie/accident à du travail effectif
- L’assimilation à du temps de travail effectif des périodes de suspension du contrat de travail pour AT-MP (accident du travail ou maladie professionnelle) n’est plus limitée à une durée ininterrompue d’un an.
- Les périodes de suspension du contrat de travail en raison d’un accident ou d’une maladie n’ayant pas un caractère professionnel sont désormais assimilées à une période de travail effectif.
Par conséquent, tout arrêt maladie ouvre droit à congés payés, quelle qu’en soit l’origine.
2- Sur le nombre de jours acquis pendant les périodes de suspension pour maladie/accident
- L’acquisition de congés payés pendant les arrêts de travail pour maladie non professionnelle est limitée à deux jours ouvrables par mois, dans la limite de 24 jours ouvrables ( 4 semaines) par période de référence.
- Les salariés en arrêt de travail pour AT-MP restent soumis au droit commun et continueront donc à acquérir deux jours et demi ouvrables de congés par mois, soit cinq semaines par an.
- Dans le même temps, les règles de calcul de l’indemnité de congés payés sont adaptées lorsque celle-ci est calculée selon la règle du dixième. En effet, La rémunération correspondant aux absences pour accident ou maladie non professionnels sur la période de référence est prise en compte dans la limite de 80%.
3- Sur l’obligation d’information du salarié à son retour d’arrêt maladie
- À l’issue d’un arrêt de travail pour maladie ou accident, l’employeur doit informer le salarié du nombre de jours de congé dont il dispose et de la date jusqu’à laquelle ces jours de congé peuvent être pris.
- Cette information doit intervenir dans le mois suivant la reprise du travail par tout moyen conférant date certaine à leur réception, notamment au moyen du bulletin de paie
Cette obligation d’information s’impose donc, quelle que soit l’origine de l’incapacité de travail, professionnelle ou non.
4- Sur le délai de report de la prise des congés payés
- La loi met en place une période de report des congés fixée à 15 mois pour le salarié qui est dans l’impossibilité, pour cause de maladie ou d’accident, de prendre au
cours de la période de prise de congés tout ou partie des congés qu’il a acquis.
- Cette période de report de 15 mois débute à la date à laquelle le salarié reçoit, après sa reprise du travail, les informations sur le nombre de jours de congé dont il dispose et la date de prise de ces jours de congé. Toutefois, pour les congés congés payés acquis pendant un arrêt pour maladie ou AT/MP d’une durée d’au moins un an et couvrant toute la période de référence, la période de report de 15 mois débute à la fin de la période de référence au titre de laquelle ces congés ont été acquis. Si le salarié reprend le travail avant la fin de la période de report, la période de 15 mois est suspendue jusqu’à ce que le salarié ait reçu les informations désormais exigées lors de la reprise du travail.
- La loi prévoit également que la durée de la période de report peut être fixée à plus de 15 mois par voie d’un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par voie de convention ou d’accord de branche
5- Sur la rétroactivité des dispositions
- Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, ou de stipulations conventionnelles plus favorables en vigueur à la date d’acquisition des droits à congés, les nouvelles dispositions relatives à l’acquisition des congés pendant une période de maladie ou d’accident d’origine non professionnels et de report des congés non pris sont applicables pour la période courant du 1er décembre 2009 (date d’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne ) à la date d’entrée en vigueur de la loi.
- Durant cette période, les congés supplémentaires acquis ne peuvent, pour chaque période de référence excéder le nombre de jours permettant au salarié de bénéficier de 24 jours ouvrables de congés, après prise en compte des jours déjà acquis, pour la même période.
Remarque: le texte ne vise pas l’acquisition de congés pendant les périodes d’arrêt de travail pour AT/MP excédant la durée d’un an.
6- Sur les délais pour agir en justice
- Toute action en exécution du contrat de travail ayant pour objet l’obtention de jours de congés doit être introduite dans un délai de 2 ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi.
- S’agissant des contrats de travail déjà rompus lors de l’entrée en vigueur de la loi, la prescription triennale de l’article L 3245-1 du Code du travail applicable aux créances salariales devrait s’appliquer.